samedi 29 juin 2013

Texte de Orlov


Les autres me regardent, d’un air étrange, je perçois la crainte et la peur dans leurs yeux, l’hostilité aussi. Les femelles s’intercalent entre leurs petits et moi… Mais comment pourrais-je leur faire du mal ? Ils sont miens pour la plupart …

Moi-même, depuis l’attaque du Monstre lors de la Dernière pleine lune, me sens différent, le suis en fait…Mes sens si affûtés s’émoussent, je me fatigue vite, trop vite ; j’ai perdu mon agilité : hier, en sautant un ruisseau, je me suis retrouvé la moitié du corps dans l’eau, trempé, mais surtout ridiculisé devant les autres ; j’aurais sauté une rivière il y a encore quelques jours.
Si le Clan ne fait pas montre de plus d’agressivité à mon égard, c’est parce que j’en suis le chef…Sans cela, ils m’auraient déjà banni, ou pire encore.
Leur chef, mais pour combien de temps ? Si le vioque n’était pas là, plus d’un aurait déjà tenté sa chance. Mais ils ne bougent pas, me laissent tranquille sur les ordres tacites de celui que nous suivons aveuglement, l’Esprit du clan, celui qui a vécu plus que nous tous réunis.
J’ai froid sans être malade, ne distingue plus que les ombres dans la nuit… Je change de jour en jour, et pourtant ce n’est qu’un commencement… Je me sens faible physiquement mais mon esprit, lui, s’éclaircit.

Le Clan est officieusement dirigé maintenant par trois de mes plus vaillants guerriers, mes fidèles lieutenants ; ils aimeraient d’ailleurs outrepasser les conseils du vioque et me mettre à mort sans procès, mais aucun n’ose se détacher du lot : Ils me craignent…. Oh non, ils ne craignent pas celui qu’ils connaissent, leur chef, respecté de tous, sortant toujours victorieux des combats et ne fuyant jamais, même lorsque l’ennemi était en surnombre… Non, ils craignent celui que je suis devenu, celui qu’ils ne connaissent pas, et que je ne connais pas non plus.
Ma mise à l’écart du Clan ne justifie pas mon état d’esprit : je suis emplis de haine, de jalousie envers les autres qui n’ont pas changé, eux. Submergé de désirs aussi, désirs inavouables, moi qui, de part mon rang, ai eu toutes les femelles, me surprend à vouloir suivre les plus jeunes, les plus frêles, celles encore non fécondes lorsqu’elles s’éloignent du campement pour les prendre de force et les égorger ensuite.

Cela va faire un cycle de lune que la Bête a attaqué, surgie de nulle part avec son bâton de feu, je me suis jeté sur elle pour protéger les miens, avec juste les armes que m’avait données la nature, pourtant je l’ai mise en fuite et n’était que légèrement blessé … Mais hélas, nos sangs s’étaient mêlés.
C’est la pleine lune ce soir, l’heure du procès a sonné, mais ici, pas de défense, pas de plaidoirie… Silence… Ils m’observent, en cercle autour de moi, attendent le signal. Le vioque savait, moi j’ai compris…Dès que la pleine lune apparaîtra et que la transformation sera accomplie, c’est la Bête qu’il mettront à mort, la Bête, si dangereuse et si faible …
Moi, le puissant Loup Alpha, chef incontesté de la meute, j’avais, en voulant la protéger et en blessant ce chasseur, signé mon arrêt de mort, j’étais devenu un Humain-Garou … 





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